Baisse du seuil de la TVA : « Le signal envoyé à nos indépendants est inacceptable »

Plusieurs élus ou anciens élus s’indignent de l’épée de Damoclès qui reste suspendue au-dessus d’1,6 million de Français autoentrepreneurs. Baisser le seuil de la TVA serait un signal dangereux pour la création d’entreprise, selon ces cosignataires.

Le statut particulier d’autoentrepreneur, lancé par Hervé Novelli en 2009, permet une exonération de TVA jusqu’à un certain seuil de chiffre d’affaires. Or, ce seuil à partir duquel ils doivent payer la TVA pourrait être amendé par le gouvernement. De 37.500 euros aujourd’hui, il pourrait être abaissé à 25.000 euros.

L’idée d’introduire un seuil unique de franchise de TVA à 25.000 euros est très largement contestée. Il y a deux mois seulement, la loi de finances de mars 2025 envisageait une première date de mise en place annoncée pour le 1er mars 2025 avant d’être rapidement reportée au 1er juin 2025. L’annonce du ministre de l’Economie Eric Lombard de la suspension de la mesure jusqu’au budget 2026 n’enterre aucunement l’idée et ne fait qu’entretenir stress et anxiété chez le 1,6 million de Français concernés qui se battent pour entreprendre et créer de la richesse à leur échelle.

Besoin de clarté

Cette disposition fiscale s’attaque directement aux bas revenus liés à l’auto- entrepreneuriat. Tout le monde sait que quand vous êtes autoentrepreneur, vous n’allez pas gagner des fortunes. Ce sont souvent des compléments de revenus ou des revenus principaux qui restent bas. Baisser brutalement ce seuil revient à baisser injustement les revenus des entrepreneurs les plus modestes.

A l’heure où les chiffres de la croissance française partagés par l’Insee enregistrent une (très) timide croissance de 0,1 % au premier trimestre 2025 et où les prévisions ont été revues à la baisse pour l’ensemble de l’année à cause du contexte national et international, les autoentrepreneurs ont plus que jamais besoin de clarté, de stabilité et de lisibilité pour pouvoir se projeter dans les mois qui viennent.

Dans ce contexte, le gouvernement ne peut jouer avec leurs nerfs. L’anxiété est là, comme en témoigne Amandine, autoentrepreneure à Lyon : « Si le seuil de franchise de TVA baisse comme annoncé, alors ma petite autoentreprise n’aura pas la capacité de générer le revenu complémentaire dont notre foyer a besoin pour vivre chaque mois et donc je devrais la fermer. C’est donc tout un projet d’entreprise et de vie qui sera à revoir. Et je n’ai pas de solution à l’heure actuelle. Pourquoi vouloir encore une fois compliquer la vie de ceux qui entreprennent, qui travaillent, qui innovent pour freiner toujours la croissance et couper les ailes de ceux qui essayent ? »

Le signal envoyé à nos indépendants est inacceptable. Rappelons qu’ils sont contributeurs de la création de richesse dans notre pays en prenant des risques personnels et ne demandent rien à l’Etat. Venir toucher à leurs portefeuilles pour combler les déficits d’un Etat obèse est un profond manque de respect.

Une attaque contre la création d’entreprise

Quelles pourraient être les conséquences d’un seuil unique de franchise de TVA à 25.000 euros ? Est-il utile de rappeler, « trop d’impôt tue l’impôt » ? La célèbre courbe de LaUer démontre qu’à partir d’un certain niveau, la hausse les prélèvements provoque une diminution des recettes pour la puissance publique plutôt qu’une hausse car cela décourage l’activité économique. Nous y sommes. Censée rapporter de l’argent aux comptes publics, la modification de cette loi viendrait impacter directement et de manière totalement injuste les revenus directs des autoentrepreneurs. Pour compenser, ils seraient encouragés à reporter ces hausses d’impôts sur leurs prix – l’inverse de ce qu’il faut faire dans ce contexte de croissance contenue – , à reporter des projets de croissance ou d’investissement, ou pire encore, à masquer une partie de leur chiUre d’aUaires afin de ne pas atteindre ce seuil abaissé, alors que c’était précisément pour lutter contre le travail au noir que ce statut avait été créé.

Il s’agit d’une mesure inefficace. On escompte des entrées fiscales qui n’interviendront pas car de nombreux autoentrepreneurs vont s’arrêter à ce seuil. Il y aura donc moins de chiffre d’affaires  de déclarés, donc moins d’entrées fiscales et sociales. Il y a eu 27 milliards de chiffre d’affaires déclarés en 2024 par les autoentrepreneurs, et sur ce montant, 6 milliards sont entrés dans les caisses de l’Etat.

Les Français, les sondages le montrent, ont une vraie volonté d’entreprendre et souhaitent créer leur entreprise. Près de deux tiers des créations des trois derniers mois sont des microentrepreneurs (63,3 % selon l’Insee en janvier 2025). Sur l’année 2024, un nouveau record a été battu avec 1,1 million d’entreprises créées, un chiUre largement porté par les près de 700.000 lancées sous la forme de microentreprises. La création d’entreprise ne connaît pas la crise alors offrons-lui les conditions favorables pour poursuivre dans cette voie plutôt que de venir la freiner.

Nous plaidons pour l’abandon pur et simple de cette réforme. Sa simple suspension constitue une attaque contre la création d’entreprises d’une manière générale, ce qui est paradoxal pour un gouvernement qui n’a que le mot d’entreprise à la bouche.

A retrouver dans Les Échos 

Partager le lien