Le débat sur la fin de vie actuellement en cours à l’Assemblée nationale dépasse largement les travées de l’Hémicycle. Il nous concerne tous, car tous avons déjà fait, de manière directe ou indirecte, cette expérience difficile et à la fois profondément humaine de l’accompagnement d’un proche dans la maladie ou le grand âge.
Le débat actuel nous renvoie finalement à notre propre finitude.
Il est nécessaire et sain de s’interroger sur la place que nous accordons dans notre société aux personnes en fin de vie, aux plus vulnérables, et sur la manière dont nous les accompagnons au crépuscule de leur vie.
Car oui, se pose un jour où l’autre la question de la souffrance. Oui, se pose tôt ou tard la question de la dignité humaine.
Mais derrière ces interrogations vertigineuses et éminemment délicates et sensibles, il faut, au moment où l’on s’apprête à inscrire dans la loi « le modèle français de la fin de vie », savoir rester humbles et agir avec d’infinies précautions, sans aucune précipitation qui pourrait nous faire regretter plus tard des orientations trop vite prises.
La législation qui prévalait jusqu’à présent, définie par les lois successives Leonetti puis Claeys-Leonetti, quoiqu’imparfaite, se voulait la plus souple et équilibrée possible, fixant certains garde-fous tout en autorisant la sédation profonde et continue si le pronostic vital est engagé à court terme.
Le projet de loi actuellement examiné a été voulu comme « une loi de rupture », pour reprendre les mots du Conseil d’Etat, ouvrant la possibilité pour les patients majeurs atteints d’une affection grave et incurable, accompagnée d’une souffrance physique et psychologique insupportable, de demander « une aide à mourir ». C’est-à-dire, pour utiliser les termes communément employés et admis par les pays ayant déjà légiféré sur cette question, l’euthanasie ou le suicide assisté.
C’est en fait une double rupture qui se dessine, à la fois philosophique et d’éthique médicale où le médecin avait interdiction de provoquer délibérément la mort.
Il y a également le risque que cette libéralisation provoque une marginalisation des soins palliatifs, autre grand attendu de la loi. En mettant ces deux options – l’aide à mourir et les soins palliatifs – sous le même vocable « d’accompagnement » et sur le même plan, la loi entretiendra une confusion certaine, alors que ces deux dispositions poursuivent des buts radicalement différents.
Il eut été, à mon sens, préférable que le développement des soins palliatifs soit traité à part, afin d’éviter cette confusion et cet écueil. Aujourd’hui plus de la moitié des patients qui devraient y avoir recours ne le font pas, faute d’accès. La loi contient bien un plan sur dix ans pour résoudre ce problème majeur et c’est une bonne nouvelle. Mais alors que les précédents objectifs sur les soins palliatifs n’ont pas été atteints, il faut se prémunir que cette volonté affichée ne soit pas un vœu pieu.
Festina lente disaient les Anciens. Hâte-toi lentement. Cette maxime est plus que jamais d’actualité.